« Nous entrons dans une phase de maturité où la croissance de la rentabilité sera privilégiée »
Philippe Rosio, président-directeur général de Foncière Inéa, a accordé un entretien au Revenu. Par Aline Fauvarque
Comment expliquez-vous le dynamisme de vos loyers ?
Philippe Rosio : Les hausses de notre chiffre d’affaires et de notre Ebitda de 16 et 15,5 % figurent parmi les plus élevées des foncières cotées. Nous avons créé Foncière Inéa en 2005, car nous croyons au développement d’un troisième marché de bureaux en région, à côté de celui de Paris et de sa périphérie. Les régions ont des moteurs très sains : l’essor démographique et la croissance économique. La demande locative dans l’immobilier d’entreprise y reste forte. Plus globalement, les montants investis en immobilier d’entreprise y sont en progression depuis cinq ans et ont surpassé cette année ceux de la région parisienne, avec il est vrai de grandes transactions encore à l’arrêt l’an dernier. Mais le parc de bureaux en région parisienne est en partie obsolète. C’est un secret de Polichinelle. En région, il y a eu une production significative d’immeubles de bureaux neufs de haute qualité environnementale à laquelle nous avons activement participé avec des loyers de 200 ou 250 euros du mètre carré à l’année ; soit deux à trois fois inférieurs à ceux de la région parisienne et cinq fois moins qu’à Paris intramuros où ils peuvent atteindre 1 200 euros. Nos actifs sont beaucoup plus performants au niveau énergétique que ne le sont bon nombre d’immeubles parisiens, rénovés au fil de l’eau.
Des locataires diversifiés
Vous avez pourtant des actifs et des programmes en région parisienne…
Philippe Rosio : Nous détenons en région parisienne près de 60 % de nos « parcs d’activité », qui globalement représentent 20 % de nos actifs. Nos parcs sont une des formes de ce que l’on appelle aujourd’hui la logistique urbaine. Et ils fonctionnent très bien. Au rez-de-chaussée, on assemble, on stocke. Et au premier étage, on dispose de bureaux.
Qui sont vos locataires ?
Philippe Rosio : Nous avons un peu plus de 450 locataires, essentiellement des filiales de grands groupes français ou étrangers, peu de PME PMI. 70 % d’entre eux ont un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros. Et dans des domaines bien diversifiés. Aucun secteur d’activité ne représente plus de 10 % de nos loyers. Nous leur louons des surfaces souvent en multilocation dans des immeubles de 5 000 à 10 000 mètres carrés.
L’an dernier, vos frais financiers ont dépassé le résultat opérationnel. Votre endettement s’est accru à 50,7 % de votre valeur d’actif. Comment le voyez-vous évoluer en 2025 ?
Philippe Rosio : Nous avons financé nos dernières acquisitions par de la dette nouvelle. Mais nous arrivons au bout du pipeline. Sur les 60 millions d’actifs que nous avons encore à livrer, il ne nous en reste plus que 21 millions à décaisser. Nous allons livrer cet été l’immeuble de bureaux Nexus à Montpellier précommercialisé à 50 % et deux parcs d’activité, à Chalifert et à Trappes en banlieue parisienne. Et nos frais financiers vont bénéficier de la baisse des taux d’intérêt. Notre dette est calée sur l’Euribor, qui est revenu de 4 à 2,5 %. Nous en bénéficions car nous nous endettons au taux Euribor plus 160 ou 200 points de base.
La baisse des valeurs d’expertises de 2 % en 2024 a ponctionné le résultat de 30 millions d’euros, engendrant une perte nette de 3 millions. Ce scénario peut-il se reproduire en 2025 ?
Philippe Rosio : Notre portefeuille a très bien résisté. Depuis le début de la hausse des taux d’intérêt, sa valorisation a reculé d’à peine 2 %, et seulement l’an dernier. Soit une dépréciation de 30 millions que nous avons absorbée en quasi-totalité. Grâce à la montée en puissance des immeubles livrés et à quelques cessions, notre cas-flow par action s’est accru et le résultat net récurrent a augmenté de 4,5 %. À Paris et a fortiori en région parisienne, les dévalorisations ont été plus significatives mais se sont produites en 2023. À présent, le rendement des immeubles « prime » en région est à un peu moins de 6 %, contre 4 % dans le quartier d’affaires de Paris. Notre taux de capitalisation des loyers (6,4 %) laisse une marge appréciable par rapport au rendement de l’OAT à 10 ans (3,18 % fin 2024, 3,36 % début avril 2025).
Un rendement élevé
Voyez-vous des opportunités d’investissement et avez-vous des acheteurs pour faire tourner votre portefeuille ?
Philippe Rosio : Les stocks d’immeubles en l’état futur d’achèvement (Vefa) produits par des promoteurs se sont taris. Je ne sais pas ce que sera l’attitude des SCPI qui n’ont pas intérêt à brader leurs actifs situés en région pour lesquels elles ont des locataires. Pour notre part, nous arbitrons en faveur de locataires utilisateurs voulant devenir propriétaires, qui raisonnent sur le prix au mètre carré. L’immobilier est par nature cyclique. Il y a dix ans, les hôtels ont souffert. Il y a cinq ans, c’était le commerce et maintenant c’est le tour des bureaux. J’estime que le secteur est exagérément pénalisé. Notre actif net par action dépasse 50 euros. Mais je ne peux pas me plaindre car notre décote (-30 %) est comparable à celle des meilleurs.
Cependant, votre dividende stagne depuis 2022. Peut-il évoluer ?
Philippe Rosio : Il n’a jamais baissé et c’est rare. Nous offrons un rendement de 8 % au cours actuel. C’est l’un des plus élevés du secteur. Inéa entre dans une phase de maturité où la croissance de la rentabilité sera privilégiée. Aujourd’hui, nous avons un chiffre d’affaires de 78 millions d’euros, il devrait atteindre 100 millions en 2028, à périmètre constant. Soit une croissance annuelle embarquée de 7 à 8 % grâce à l’impact de l’indexation des loyers (+2,5 % par an), aux dernières livraisons d’immeubles et à la réduction du taux de vacance.
En effet, avec l’achèvement de nos programmes en blanc, notre taux de vacance de plus de 10 % aujourd’hui devrait revenir à un niveau normal de 6 % assez rapidement. Et nous allons poursuivre nos arbitrages.
Vous avez porté au cours des derniers mois votre participation de 13 à 17 % du capital à des cours très inférieurs…
Philippe Rosio : Les réactions par rapport à une décote boursière peuvent être variées. Nous l’avons trouvée excessive et avons agi en conséquence. Nous avons des performances d’exploitation parmi les meilleurs de la profession et l’un des patrimoines les plus rentables.
NOTRE CONSEIL
Conservez. [Inéa]
Objectif : 37 €
Profil : dynamique.
Prochain rendez-vous : chiffre d’affaires du 1er trimestre, le 29 avril.
> Philippe Rosio, diplômé de HEC, a 65 ans. Il est notamment passé chez Arthur Andersen, GAN Assurances, GE Capital Real Estate et Deutsche Bank.
> Il a fondé Inéa en 2005 avec Arline Gaujal-Kempler, actuelle directrice générale déléguée, pour investir dans l’immobilier de bureaux en région.
L’essentiel
Endettement. Inéa, qui a doublé de taille tous les cinq ans, dispose d’un patrimoine de haute qualité environnementale évalué à 1,2 milliard d’euros. Mais sa dette en représente plus de 50 %.
Tour de table. Les dirigeants se sont renforcés par des rachats fin 2024 et en janvier 2025, en portant la participation des holdings Gest Invest et Gest de 13 à 17 % du capital (le reste étant détenu par des institutionnels et des familles).